L'héritage andalou : Quand l'Espagne reconnaissait sa dette historique envers le Maroc

Les Marocains ont été nos maîtres, et nous leur devons du respect ;ils ont été nos frères, et nous leur devons de l'amour.

Ces mots prononcés par Joaquín Costa en 1884 résonnent comme un témoignage unique de la complexité des relations hispano-marocaines à la fin du XIXe siècle. Dans une Espagne encore ébranlée par la perte de ses colonies américaines et asiatiques, cette déclaration marque un tournant dans la perception des liens unissant les deux rives de la Méditerranée.

Figure de proue du mouvement africaniste espagnol, Costa développe une vision novatrice des relations avec le Maroc. « L'Espagne a une dette historique envers le Maroc, ayant bénéficié de son apport civilisationnel durant la période médiévale », explique l'historien Mimoun Aziza, soulignant l'importance accordée par Costa à une approche pacifique et respectueuse dans les relations bilatérales.

La création de la Sociedad Española de Africanistas y Colonistas cette même année cristallise cette nouvelle approche. Les intellectuels africanistes mettent en avant une proximité culturelle et historique héritée de huit siècles de présence musulmane dans la péninsule ibérique. « Les discours de l'époque insistaient sur une fraternité de sang entre Ibères et Berbères », note l'universitaire Eric Calderwood, tout en précisant que cette rhétorique servait également à légitimer les ambitions coloniales espagnoles face aux autres puissances européennes.

Cette vision particulière des relations hispano-marocaines, portée par Costa et ses contemporains, témoigne d'une période charnière où l'Espagne tentait de redéfinir son rôle international. Entre reconnaissance sincère de l'héritage andalou et stratégie géopolitique, elle illustre la complexité des rapports entre les deux nations, dont les échos résonnent encore aujourd'hui dans les relations diplomatiques contemporaines.