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Publé le Mardi 14 Avril 2020 à 10:23

Algérie: la libre antenne de Radio Corona Internationale





Tunis - Avec ses chroniques déjantées et son ton engagé, Radio Corona Internationale (RCI), dernière née du web algérien, offre aux auditeurs un rare moment de liberté pour lutter contre la morosité du confinement dû au nouveau coronavirus, et garder vif le feu de la contestation.
Algérie: la libre antenne de Radio Corona Internationale
Un présentateur de renom, des chroniqueurs anticonformistes et des invités surprises décortiquent deux fois par semaine .

A l'image d'une radio pirate, RCI allie liberté de ton, interaction avec les auditeurs et improvisations en direct, dans des émissions d'une heure mêlant l'humour et le sérieux, avec une playlist au goût du jour.

C'est un concept "très démocratique", explique son fondateur, Abdellah Benadouda, un animateur qui apprécie tout particulièrement le dialogue avec les auditeurs, dont "la sanction est immédiate" via les commentaires publiés en direct sur Facebook.

Chaque mardi et vendredi à partir de 22H30 (21H30 GMT) ou 23H00, M. Benadouda, confiné et au chômage technique, lance l'émission sur les ondes web depuis son domicile de Providence, dans l'est des Etats-Unis.

Sur la table de sa salle à manger, il dispose d'une bière, d'un téléphone portable et d'un ordinateur faisant guise de mini-régie, pour une soirée comme en famille avec son équipe.

"Cette émission est dirigée par notre état d'âme profond: la liberté", se plaît à répéter le journaliste de 49 ans, vétérinaire de formation passé ensuite par l'édition.

Aidé de chroniqueurs dispersés entre Alger, Oran (nord-ouest), Boumerdès (nord), Doha et Paris, il s'adresse sur un ton caustique aussi bien aux auditeurs "résilients de la République démocratique et populaire (d'Algérie)" qu'aux autorités. Le tout avec une verve dialectale mi-arabe mi-français, caractéristique du parler algérien.

Comme son nom l'indique, "Radio Corona" n'élude pas la crise sanitaire en Algérie (313 morts et près de 2.000 cas de contamination au nouveau coronavirus officiellement déclarés), même si la pandémie de Covid-19 est surtout un prétexte pour échanger sur le devenir du pays.

Derrière les jeux de mots cocasses et l'ambiance joviale, les dénonciations politiques fusent.

Après un programme spécial dédié à Karim Tabbou, figure emblématique du mouvement populaire antirégime "Hirak", actuellement incarcéré, la dernière émission, vendredi, a été l'occasion d'un coup de gueule contre la censure gouvernementale de deux médias web: Radio M et Maghreb Emergent.

"C'est dans l'adversité qu'on reste unis. L'Etat doit comprendre ça", a plaidé à l'antenne M. Benadouda.

Entre chaque chronique, la transition musicale est aussi rythmée que subversive. Aux vieux hits du groupe de hip-hop algérois MBS ("le Micro brise le silence", NDLR) succède la chanson "hirakiste" d'Amine Chibane "système dégage", puis le rap contestataire de Farid Diaz "civil au pays des militaires".

Abdellah Benadouda est un ancien journaliste de la radio publique et ex-présentateur de l'émission d'actualités décalée "Système Dz" sur la chaîne privée Dzaïr TV.

Mais il a dû quitter l'Algérie en 2014 après des déboires avec Dzaïr TV, détenue par Ali Haddad, puissant homme d'affaires proche du clan de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, aujourd'hui en prison pour corruption.

"J'ai raté la Révolution", dit-il à regret, en évoquant le soulèvement populaire qui a mis fin au règne de M. Bouteflika en avril 2019, et ébranlé le pouvoir algérien jusqu'à la suspension des manifestations le mois dernier à cause de l'épidémie de Covid-19.

"Depuis le 22 février (2019), seul mon corps est à Providence", confie le concepteur de RCI, en référence à la date de naissance du "Hirak".

Cette radio, c'est aussi une "façon de réinventer le +Hirak+ au temps du confinement" et de prouver que la contestation ne se résume pas qu'à des marches. C'est un "projet de société", explique-t-il.

Grâce au web, M. Benadouda peut bénéficier d'une grande liberté d'expression et, depuis son exil américain, il est moins exposé que ses collègues basés en Algérie.

Un des animateurs de Radio M, le journaliste indépendant Khaled Drareni, créateur du site internet Casbah Tribune, est en détention préventive depuis le 29 mars. Il avait été arrêté après avoir couvert une manifestation à Alger début mars.

Alors pour M. Benadouda, plus question de lâcher le micro. Il promet que l'aventure se poursuivra après le déconfinement.



Source : https://www.maafrique.com/Algerie-la-libre-antenne...