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Carreaux de zellige marocains : artisanat, géométrie et patrimoine vivant


Le Jeudi 11 Décembre modifié le Mardi 30 Novembre



« J’ai été immédiatement captivé par les motifs géométriques qui habillent mosquées, riads et palais », écrit Ariel Cohen, en évoquant ces mosaïques façonnées à la main — le zellige — qui donnent à l’architecture marocaine son rythme visuel. À Fès comme à Marrakech, les carreaux guident le regard le long des cours, des fontaines et des parois voûtées, où la couleur et la répétition organisent l’espace.



La pratique, affinée au fil du Moyen Âge sous l’influence des mathématiques islamiques, s’est imposée comme une grammaire de lignes et d’angles. Le terme « zellige » dérive de l’arabe « zulaij » (pierre polie), référence à l’émail brillant et aux arêtes nettes qui singularisent ces carreaux. Les artisans façonnent une argile locale en petites ébauches, les émaillent de teintes saturées — bleu cobalt, vert émeraude, rouge profond — puis les cuisent avant de les débiter en fragments précis qui s’imbriquent en étoiles, treillis et entrelacs.

Le travail exige une discipline minutieuse. L’argile est préparée, séchée, rectifiée ; les émaux sont posés puis fixés au four ; les carreaux cuits sont découpés en triangles, carrés, étoiles et autres polygones ; la mosaïque finale se pose à l’œil, symétrie conservée ligne après ligne. « La patience et la précision mises en œuvre » frappent les visiteurs des ateliers de la médina de Fès, où l’on mesure une formation en années plus qu’en mois. Les images de cours et de façades saisies par des photographes comme Bernd Dittrich rappellent que le zellige n’est pas un simple décor : c’est une structure, une façon de construire la surface.

Fonction et sens se répondent. Les modules géométriques prolongent des principes d’équilibre et de répétition propres à l’art islamique, privilégiant l’abstraction au figuratif. Dans les palais et les riads, le zellige rafraîchit et anime les murs ; dans les mosquées et les médersas, il marque des seuils et cadre des espaces d’étude et de prière ; sur les fontaines publiques, il donne aux lieux civiques une ornementation durable et lisible. Les préférences régionales persistent — Fès s’oriente volontiers vers le cobalt, Marrakech vers des rouges et des verts plus chauds — mais la grammaire reste stable, autorisant des variations locales sur une base commune.

Le visiteur peut s’initier au geste. Des ateliers à Fès et à Marrakech ouvrent leurs portes, et certaines visites proposent de composer un petit panneau ; l’exercice montre qu’un dixième de millimètre influe sur la rencontre des pièces. Sur les marchés, les objets de petite taille sont courants, avec des qualités inégales : on recherche un émail régulier, une couleur homogène et des coupes franches ; les ateliers reconnus expédient volontiers à l’international les commandes plus lourdes. Comprendre quelques schémas fondamentaux — étoiles à huit ou douze branches, losanges entrelacés, champs simples en damier ou en treillis — aide à « lire » les compositions rencontrées dans les médinas et les maisons historiques.

Le zellige demeure un lien entre passé et présent parce qu’il combine utilité et symbolique. Les carreaux vieillissent bien, se réparent pièce par pièce, et rendent les surfaces lisibles de loin comme riches de près. Pour qui parcourt le pays, l’expérience in situ éclaire l’intention : organiser l’espace, calibrer la lumière, fixer la mémoire. Comme le souligne Ariel Cohen, ces mosaïques ouvrent « une fenêtre sur des siècles d’artisanat, d’héritage culturel et d’identité marocaine », portée par des artisans dont la méthode est aussi rigoureuse que les motifs qu’ils assemblent.

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Source : https://lemarrakech.articlophile.com/lebulletin/i/...