Trois cinéastes nigérians ont lancé une plateforme de streaming tournée vers l’Afrique, EnfiTV, avec une proposition directe et ambitieuse : télécharge ton film, conserve tes droits et gagne 0,5 £ par vue unique — bien davantage que ce que beaucoup perçoivent sur YouTube. La plateforme a démarré avec douze titres, portée par Kome Agbanoma, créateur de la web-série « Lara of Lagos », Lanre Awolokun, producteur de « Last Call », et Olaniyi Famodun, formé au Derek Film Academy.
Le modèle de revenus est clair : EnfiTV accorde une avance au moment de la mise en ligne, puis verse 0,5 £ par vue unique, soit environ 500 £ pour 1 000 vues. À titre de comparaison, des créateurs nigérians rapportent des revenus sur YouTube d’environ 0,08 $ pour 1 000 vues sur le format court, et 0,20–0,50 $ pour 1 000 vues sur du long format dans des niches similaires. Le tarif d’EnfiTV est donc nettement supérieur pour les créateurs africains. Un tableau de bord permet de suivre en temps réel les vues, la performance et les gains.
Pour les abonnés, l’offre est de 5 000 nairas par mois (environ 3 $) ou 55 000 nairas par an après un essai de trois jours. Le catalogue inclut The Secret Life of a Troll, 12 Hours, Alaise, Erimorara et The Last Call. Les licences sont non exclusives avec un engagement minimum de trois à six mois, ce qui permet d’exploiter simultanément Netflix ou Amazon, puis de retirer le film après la période minimale. Certains partagent déjà des bandes-annonces sur YouTube.
Le pari d’EnfiTV repose sur l’avance versée : si les vues ne couvrent pas l’acompte, la plateforme encaisse la perte, en misant sur la valeur que l’œuvre apporte à l’écosystème. La viabilité dépend donc de la croissance des abonnements : avec 0,5 £ par vue, il faut soit une large échelle, soit des volumes de visionnage par abonné relativement bas pour rester soutenable.
Le terrain est déjà occupé. Showmax domine l’abonnement à l’échelle du continent grâce à l’infrastructure et aux moyens de MultiChoice. KAVA — partenariat entre Inkblot et FilmOne — se présente comme une porte d’entrée curatée vers Nollywood, tandis qu’iROKOtv a été pionnière en diffusant des films nigérians à la diaspora depuis le Royaume-Uni. La différence d’EnfiTV : l’upload direct par les producteurs plutôt que des achats ou des licences, un modèle plus proche de SoundCloud pour les musiciens que de Netflix pour le cinéma.
Cela dit, la porte n’est pas totalement ouverte. Au lancement, la plateforme a examiné 50 propositions et n’en a retenu que 12. L’équipe de sélection, menée par le cofondateur Famodun et des professionnels du secteur, cible la qualité de production, l’accessibilité familiale et des récits capables de voyager au-delà de leur contexte local. Les refus s’accompagnent de retours, parfois de recommandations pour améliorer l’étalonnage ou le design sonore avant une nouvelle soumission.
Deux mois après le lancement, EnfiTV compte moins de cent abonnés. L’essentiel de l’engagement vient du Canada, avec des vues éparses du Mexique, de Chine et même de Corée du Nord. L’équipe assume être au tout début et entame sa première tournée RP après une présence numérique limitée. L’ambassadrice Dr Queen Blessing Ebigieson, présidente de l’Association des producteurs de films, a échangé avec l’équipe sur la gestion des œuvres qui ne remboursent pas leur avance.
Côté financement, EnfiTV est bootstrappée. L’équipe cherche des capitaux mais n’a pas encore bouclé de levée. Cela explique le choix de licences non exclusives plutôt que l’achat intégral des droits, à la manière de Netflix. Le contexte de marché a aussi changé : Amazon Prime a quitté le Nigeria en janvier 2024, et Netflix a réduit la voilure sur l’Afrique pour concentrer ses investissements en Europe, ouvrant une brèche tout en posant la question de la soutenabilité.
La feuille de route comprend EnfiTV CF, une plateforme de crowdfunding où des investisseurs pourront soutenir des projets et suivre les dépenses à chaque étape de production. Elle n’est pas encore en ligne : l’équipe consulte des cinéastes et des investisseurs. À plus long terme, des sorties en salles dans la diaspora sont envisagées avant la diffusion en streaming. Un plan ambitieux pour une équipe avec quelques dizaines d’abonnés et sans financement externe.
La suite dépend des chiffres. Avec les niveaux d’abonnement actuels, chaque vue coûte davantage à la plateforme qu’elle ne rapporte, ce qui implique des milliers d’utilisateurs payants supplémentaires pour rendre le modèle durable. L’application est disponible sur Apple TV, Android TV, Roku, Samsung Smart TV, Amazon Fire TV, le web et mobile. Les producteurs peuvent soumettre leurs films via streamer.enfitv.com.
Source : https://cinema.articlophile.com/blog/i/93044865/en...






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