Le Mozambique a officiellement formulé, lors des célébrations de la Journée de l’Afrique en mai 2025, une demande de restitution d’au moins 800 objets d’art prélevés pendant la période coloniale. Cette initiative, portée par la ministre de l’Éducation et de la Culture, Samaria Tovela, cherche à réparer les conséquences historiques et culturelles subies par le pays, et s'intègre dans un mouvement continental de reconquête du patrimoine africain.
Les objets concernés incluent des masques, statues, bijoux rituels, archives sacrées, textiles et armes cérémonielles, actuellement dispersés dans des musées et collections privées, surtout en Europe. Une première cartographie réalisée par le ministère de la Culture mozambicain révèle :
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320 objets au Musée d’Anthropologie de Lisbonne (Portugal), dont des masques rituels et ivoires sculptés
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140 objets aux Staatliche Museen zu Berlin (Allemagne), comprenant de nombreuses sculptures Makonde
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80 pièces au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris (France), principalement des textiles et armes cérémonielles
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260 objets dans des collections privées, souvent difficiles à localiser et à récupérer1
La démarche du Mozambique s'articule autour de trois principaux axes :
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Justice mémorielle : la restitution est considérée comme une réparation symbolique, nécessaire pour restaurer l’identité culturelle endommagée du pays.
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Diplomatie culturelle : Maputo propose une « décennie des réparations » et souhaite organiser d'ici fin 2025 un sommet extraordinaire Union africaine-CARICOM pour créer un front commun face aux institutions européennes.
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Droits humains : la restitution des objets est associée à la reconnaissance des violences et pillages subis durant la colonisation.
Un inventaire numérique des 800 pièces devra être finalisé d’ici septembre 2025, accompagné d’un catalogue bilingue portugais-anglais. Des négociations bilatérales sont en cours avec Lisbonne et Berlin, sous la direction d’un comité mixte d’experts. Par ailleurs, une campagne de sensibilisation sur l’histoire du pillage culturel a été lancée dans les écoles mozambicaines.
La demande du Mozambique s’inscrit dans une dynamique plus large de restitution du patrimoine africain. Depuis 2021, plusieurs pays africains ont réalisé des avancées significatives : le Bénin a récupéré 26 trésors royaux d’Abomey restitués par la France, le Nigeria a signé des accords pour le retour de bronzes du royaume du Bénin, et des pays comme l’Éthiopie, la RDC et le Ghana participent à des négociations avec l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni.
A ce jour, environ 3 000 artefacts africains font l’objet de demandes de rapatriement à travers le continent, dont 800 pour le Mozambique. Cette mobilisation croissante entraîne une pression accrue sur les musées européens, qui envisagent désormais des solutions alternatives telles que des prêts longue durée, des expositions itinérantes ou des centres de recherche partagés.
Pour le Mozambique, la restitution a pour objectifs de renforcer la cohésion nationale, de relancer des pratiques artisanales parfois disparues, et d'intégrer la mémoire coloniale dans un cadre de justice et de réparation. En collaboration avec la CARICOM, Maputo souhaite étendre le débat au sujet de la traite négrière et établir un front Sud-Sud nouveau.
La ministre Tovela a succinctement résumé l’esprit de cette démarche :
« Aujourd’hui, nous sommes libres, mais la liberté est incomplète tant que notre patrimoine demeure éloigné de chez nous. Restituer, c’est réparer. »
La question de la restitution des œuvres d’art africaines est complexe, confrontée à divers obstacles juridiques et politiques, mais elle constitue désormais un enjeu central dans les relations Afrique-Europe et dans la redéfinition du rôle des musées occidentaux dans une ère postcoloniale.
Source : https://www.lemag.africa/articles/i/88914083/le-mo...